FINALITÉ

FINALITÉ
FINALITÉ

La finalité d’une action en est le «pourquoi», le sens, par opposition à son «comment», aux mécanismes ou fonctionnements qu’elle met en jeu. Le mot «finalité» et l’expression «cause finale » sont démodés; on les emploie souvent entre guillemets, comme antiscientifiques.

La finalité est éprouvée comme une évidence lorsque l’on entreprend de faire quelque chose, d’obtenir un résultat. Cette évidence conduit à interpréter comme «finalisée» l’action observée d’un autre: Que veut-il faire? Quel est le sens de son acte? On pense observer de la finalité, non seulement dans l’action d’un homme, mais dans le comportement ou la structure d’un organisme, même supposé inconscient, si l’on y voit une certaine adaptation de moyens à une fin, si ses actes ou ses organes semblent appropriés à sa survie. On en trouve de même dans tout système constitué, vivant ou non, lorsque ses parties parais-sent agencées relativement à une fonction de l’ensemble. Un appareil qui résulte de notre «faire» nous savons qu’il est finalisé – par nous. Un équipement industriel sert aux usagers, son fonctionnement a une fin. Par analogie, les systèmes naturels donnent l’impression d’avoir une fonction bénéfique ou maléfique.

L’impression de finalité s’étend à tout être dont la présence, la nature – même sans agencement interne – paraît lourde de sens, semble exprimer quelque chose, avoir une vertu ou une force quelconque.

La finalité est de l’ordre de la compréhension, non de l’explication. Là même où la finalité est intuitive, ou saisissable par analogie directe, elle n’est jamais un ensemble d’«observables», au sens strict du mot, que l’on peut voir, photographier, ou relever par un appareil enregistreur. Elle est seulement descriptible ou observable en gros; elle échappe à la méthode scientifique rigoureuse. Elle est extraite de l’expérience par une lecture ou une traduction plus ou moins libre, non par une observation scientifique. On perçoit des signes d’intention: un animal gratte à la porte, il est donc impatient d’entrer. La compréhension par des signes est plus spontanée et plus facile que l’explication scientifique; elle peut être hésitante dans tel cas particulier (par exemple, quand on essaie de deviner l’intention d’un adversaire qui cache son jeu), mais elle n’est pas hésitante en tant que procédé général de lecture. Elle fait appel à l’imagination animante et n’a pas à élaborer péniblement un système de lois générales, un enchaînement déterminé de causes et d’effets. Elle interprète chaque cas par sympathie, dans l’émotion de son propre effort, conjugué ou opposé aux intentions des autres.

1. Figures historiques de la finalité

La finalité magique

La finalité magique consiste à voir en toutes choses des vertus actives, s’exprimant par des signes, en des correspondances formant des systèmes. Les choses sont vivantes et conscientes, même quand elles sont immobiles comme les miroirs ou les pierres précieuses. Les croissances et les décroissances, les maladies et les accidents, sans avoir toujours des intentions précises, sont le fait de «pouvoirs» en correspondance magique. Cette infra-finalité reste sous-jacente même aux négations philosophiques de la finalité. Empédocle a beau parler, comme un atomiste, de mélanges et de dissociations, il admet que la Nature mère fait pousser «des têtes sans cou, des bras isolés et privés d’épaules». Le manque d’ajustement n’empêche pas la magie productive. Beaucoup plus tard, Pline l’Ancien continue à dire que «les mers se purgent à la pleine lune», que, quand la lune croît, les coquillages croissent, et que «le sang de l’homme augmente et diminue avec la lumière de cet astre». Pour la finalité magique, les relations entre phénomènes sont de l’ordre de la séméiologie. On cherche les signes qui annoncent la pluie, mais on n’a pas l’idée que les signes en question soient les résultats mécaniques de la présence de vapeur d’eau dans l’atmosphère. Ils sont interprétés comme présages, les nuages même sont regardés comme de simples signes. À plus forte raison, le chat «fait la pluie» en se passant la patte derrière l’oreille. Dans beaucoup de cultures, les systèmes de correspondance sont élaborés jusqu’à devenir une sorte de science.

La finalité «artificialiste»

En Occident, avant la science proprement dite, un effort a été fait, soit pour nier radicalement la finalité, soit, avec Platon, Aristote et les stoïciens, pour la régulariser. Aristote surtout veut fonder une science finaliste de la nature, en rationalisant la nature magique, en définissant des substances et des accidents classables, des changements réguliers et bien ordonnés, par passage de la puissance à l’acte, de l’inachevé à l’achevé. La finalité est alors une notion quasi scientifique qui fait comprendre toutes choses sur le modèle d’une fabrication artisanale.

La «théorie des quatre causes» est l’élaboration de cette analogie raisonnable. La nature fait les pierres, les plantes, les animaux, comme le potier tourne le vase. Tout est finalité dans cette production: le matériel et la cause motrice, aussi bien que la cause formelle (l’idée du vase), et la cause finale (pourquoi tourner ce vase?). Cette finalité était beaucoup plus utilisable rationnellement qu’un déterminisme tout abstrait comme celui des atomistes. Elle permettait de définir le normal et l’anormal, de prévoir, de nommer, de classer régulièrement selon les types ou les fonctions habituelles, de faire des inductions, alors que les atomistes ne croyaient pas nettement à des lois physiques, car rien ne leur garantissait le retour des mêmes combinaisons d’atomes.

La théorie des «causes finales», après Aristote, a eu une très longue vie, des stoïciens et des philosophes du Moyen Âge à Fénelon et Bernardin de Saint-Pierre, avec les admirations classiques du bel ordre du monde, des dispositions intelligentes des organes et des instincts animaux. Elle prend un caractère puéril quand elle est isolée de la conception quasi scientifique d’Aristote, et devient une sorte de jeu de devinette, «propédeutique ou initiation à la théologie édifiante» (Kant) – à quoi Kant ne dédaigne pas d’exercer lui-même son jugement réfléchissant , en considérant, par exemple, que «les insectes qui infestent les habits et les poils de l’homme constituent par une sage disposition de la nature un aiguillon pour la propreté» (Critique du jugement ).

La finalité «immanentiste»

Contre cet intellectualisme plat, la Renaissance représente une protestation, nettement antiscientifique, régressive – puisqu’elle fait retour à la finalité magique –, mais très esthétique. La Nature est un immense vivant, aussi rebelle aux formes fixes de la pensée aristotélicienne qu’aux lois rigoureuses et quantitatives (qui ne seront comprises sans magie qu’au XVIIe siècle). Pour Campanella, la Terre parle, éternue, et pense. Pour Kepler, une planète est intelligente, puisqu’elle trouve sa route dans les cieux. Selon Bruno, le monde infini est animé partout par un dieu artiste interne. Cardan affirme que les astres jouent le rôle des anges et des démons.

Le romantisme, avec Novalis, n’a fait que reprendre à son tour ces rêves, devant une Nature magicienne, devant «cette grande écriture chiffrée qu’on rencontre partout: sur les ailes, sur la coque des œufs, dans la neige, les cristaux, dans les formes des rocs, sur les disques de verre et de poix, dans les limailles qui entourent l’aimant» (Les Disciples à Saïs ).

La finalité mécaniste

Parallèle à ces courants, il y a déjà dans l’Antiquité, avec Empédocle, Démocrite, Épicure, Lucrèce, la tentative, avortée, d’un antifinalisme radical. Avortée, on l’a vu, puisque la Nature matrice subsiste sous les explications matérialistes. Les astres sont des pierres, les hommes sont nés comme des vermisseaux, les dieux «se sont formés en même temps que le feu céleste». Les atomes ne viennent de nulle part et ne vont nulle part. La nature est une magie mécanique. Elle crée et elle détruit les mondes, sans savoir, dans l’infini et l’éternel, et l’homme n’a pas à la déchiffrer en tremblant. Ce n’est pas là une science: Le «déterminisme» atomistique reste abstrait, c’est une attitude antiprovidentialiste plutôt qu’antifinaliste.

Le mécanisme du XVIIe siècle est tout autre. Les cartésiens sont sincèrement chrétiens et finalistes. Au lieu de prendre comme modèle la création artisanale d’une œuvre d’art, ils considèrent le fonctionnement d’une machine. Le monde est tout entier une machine, et la raison, géomètre et mécanicienne, peut pénétrer les secrets de l’Ingénieur divin et l’imiter en fabriquant elle-même des machines utilisables. La nature n’est plus vivante ou animée. L’âme pensante de l’homme est en face de la pensée divine: par elle, l’âme comprend la finalité de la machine du monde, pendant que la raison en explique les ressorts.

La finalité niée

Il suffit alors d’étendre la géométrie et la mécanique à l’âme humaine et au Principe suprême, de mettre l’homme machine parmi les machines, et Dieu géomètre parmi les axiomes et définitions géométriques, pour boucler le circuit et en revenir au mécanisme antique – non sans retomber parfois, comme lui, dans un arrière-fond de finalité magique (Diderot, La Mettrie). Les conquêtes de la science, sauf en physique, depuis 1900 (mais les philosophes, les littérateurs, et même les savants non physiciens, vivent encore sur la physique du XIXe siècle) paraissent confirmer le déterminisme antifinaliste, qui envahit les sciences biologiques, la psychologie, la sociologie. Les deux «crochets» qui retenaient le mécanisme du XVIIe siècle dans l’ordre finaliste, Dieu et l’âme humaine, se détachent l’un et l’autre. Règne le non-sens, à la fois comme postulat scientifique et comme thème littéraire.

2. Les moments d’une action finaliste

Orientation vers un but valorisant

Mais laissons les théories pour décrire, telle qu’elle se donne intuitivement, une action finaliste complète.

L’action finaliste suppose un effort persistant. Elle peut avoir commencé sur un stimulus, mais elle persiste après que le stimulus a cessé. Cet effort est laborieux, inquiet d’un échec possible. L’agent sait, contre toutes les théories, qu’il ne peut se borner à fonctionner, et qu’il doit s’efforcer.

Cet effort n’est pas toujours orienté vers un but conscient, mais il est toujours orienté vers l’avant, vers un objectif à réaliser qui est plus ou moins défini. Il peut être aussi poussé par un besoin, un malaise, qu’il cherche à réduire par tâtonnements. Mais ce besoin n’est jamais une simple pulsion: il pressent un satisfacteur. Un besoin fort, à la limite, paraît agir comme une cause a tergo . Mais, alors, il est perturbateur et produit des courts-circuits. La causalité du besoin (drive reduction ), loin d’expliquer la finalité, produit des effets de morcellements, d’ailleurs souvent normalisés. L’instinct s’en accommode. La satisfaction de la libido, relativement à la finalité de la reproduction, en est l’exemple le plus connu: elle semble un vol, opéré sur le circuit complet – et le but conscient de l’individu est souvent inverse du but, réputé inconscient, de l’espèce.

Dans la névrose, dans les états morbides, le but est à la fois inconscient et «volé». Et le clinicien essaie de deviner ce qui oriente les efforts du malade à l’insu de ce dernier, et d’atteindre le latent sous le manifeste.

Le but, conscient ou non, a, par définition, une valeur et une valeur positive . Plus exactement, les buts sont enveloppés par une valeur; ils sont des étapes, des œuvres intermédiaires, dans un ordre valable général. Cette valeur n’est pas nécessairement utilitaire; elle peut être esthétique, théorétique, ludique, généreuse, sacrificielle; elle peut être expression pure de vie ou de puissance. Il n’y a pas de finalité sans fin, non plus que d’acte gratuit. On baptise ainsi ce qui ne présente pas un sens ou une valeur attendue ou classique. Il en est de même pour la volonté du mal, ou pour toutes les conduites de renversement des valeurs.

Le journal «bête et méchant» se veut spirituel, l’humilié volontaire est un orgueilleux, l’anarchiste rêve d’une société idéale, le masochiste cherche un plaisir ou une satisfaction complexe (mais non négative). Les animaux et les organismes paraissent avoir, sinon les mêmes buts que les hommes, du moins des valeurs enveloppantes analogues. Dans leurs formes comme dans leurs instincts, ils visent l’utilité, la beauté, la sécurité, la puissance, la connaissance (sensorielle). L’évolution biologique d’ensemble, si elle n’a pas de but précis, si elle est élan vital sans finalité assignée et toute faite, semble avoir également les mêmes «enveloppes» de valeurs.

Apparemment, il n’en est pas ainsi pour le monde physique dans son ensemble, contrairement aux croyances traditionnelles des finalistes: la beauté du cosmos ne semble exister que pour des organismes spectateurs, les hommes. Les étoiles ne cherchent rien d’utile ou de beau.

Moyens cognitifs et instrumentaux

L’effort finaliste porte sur des moyens choisis ou inventés. Ces moyens sont compris comme tels, vus comme conduisant au but, sur fond d’un champ d’itinéraires virtuels et de détours possibles. Ils sont substituables en cas d’échec de l’un d’eux, et substituables en bloc, par changement de tactique. Si la situation est troublée ou obscure, l’agent se résigne à la méthode hasardeuse d’essais et erreurs, mais toujours comme «moyens».

L’agent est à la recherche d’informations qui le guident, de stimuli-signaux, qui, ainsi, n’agissent pas comme des causes ou des conditionnants, mais comme des auxiliaires avidement cherchés.

L’homme, et aussi l’animal, ou n’importe quel organisme, peut monter des machines et utiliser leur fonctionnement, en relais. L’organisme emploie en technique interne toutes sortes d’appareils dont le fonctionnement quasi automatique est encadré par l’activité finaliste qui l’utilise (circulations par tuyaux et par pompes, réactions chimiques en cornue, effets thermiques ou électriques, régulation par feed back chimiques ou nerveux). De plus, il improvise, dans son système nerveux, ou même dans son protoplasme (une amibe improvise des pieds, une bouche, un tube digestif), des montages provisoires, en quasi-machines, auxiliaires de ses intentions. La technique externe de l’homme n’est que l’extension de cette technique interne. Elle reste toujours encadrée. Elle boucle des homéostasies organiques, ou réalise des intentions psychiques. Ce n’est que si l’on isole artificiellement une machine que l’on peut tomber dans l’illusion que la machine, en son fonctionnement mécanique, explique la finalité par le seul déterminisme, alors qu’elle n’a qu’une finalité dérivée, vicariante.

Dans certains cas, l’agent monte et emploie des échafaudages provisoires, des pré-constructions, avant l’œuvre finale (dans la construction de galeries d’accès, de bâtis en bois avant la voûte de pierre). Une technique humaine avancée multiplie les machines préalables et allonge les processus de production. Ce caractère, lui aussi, est organique avant d’être humain. Dans l’embryogenèse, il y a beaucoup d’échafaudages provisoires, d’organes annexes, de soutien ou de nutrition (ainsi, dans l’embryon des Mammifères, l’amnios, l’allantoïde, le placenta, la circulation vitelline, puis placentaire – la circulation pulmonaire étant organisée entre-temps).

Transformation de l’agent

L’activité finaliste s’améliore généralement avec la répétition. Les mouvements et moyens de faible rendement sont éliminés ou deviennent plus efficients. L’ensemble de la performance, malgré l’allongement des préparatifs, devient plus rapide et plus «fondu».

L’agent apprend la meilleure manière d’atteindre son but. Au premier stade, exploratoire, il peut paraître procéder au hasard et parvenir au but comme par chance. Mais au dernier stade, il va au but sans hésiter (et l’observateur ne peut douter qu’il visait le but). Cependant, la répétition peut aussi dégrader l’action, par perte de conscience et retour au «de proche en proche».

L’homme s’exerce parfois en vue d’une action projetée. Mentalement d’abord; puis, il l’exécute «à blanc», avec des simulateurs ou in anima vili , ce qui complète les expériences mentales: ainsi les cosmonautes s’exercent à supporter la sur-pesanteur en centrifugeuse, à manœuvrer un «module lunaire» d’abord sur orbite terrestre; les armées font des grandes manœuvres (les Allemands construisant en 1940 une imitation du fort d’Eben-Emael, pour mettre au point l’assaut); un chirurgien essaie une greffe d’abord sur l’animal; l’homme «se monte» lui-même, psychologiquement, pour se mettre à la hauteur de la tâche prochaine; l’éducation est finaliste en principe, les éducations spéciales sont fréquentes (des Spartiates, des chevaliers dans les tournois, des samouraïs, etc.).

Les animaux manifestent-ils ces exercices intentionnels? Leur jeux ne sont pas intentionnels, mais ils sont des équivalents pratiques d’une éducation. Et parfois les parents animaux dirigent et surveillent les premiers exercices d’origine instinctive.

L’action s’arrête quand la satisfaction est obtenue et quand elle paraît répondre à la «valeur enveloppante»: l’animal ayant réussi à échapper au prédateur se tient tranquille dans son gîte, qui lui donne sécurité. L’échec produit aussi un arrêt momentané, avec éventuellement des manifestations névrotiques.

En résumé, l’action finaliste manifeste un effort persistant, orienté vers un objectif ayant valeur positive pour l’agent; elle utilise divers moyens cognitifs ou instrumentaux; elle entraîne une adaptation progressive de l’agent à l’obtention du but recherché.

3. Caractères postulés par la description

Cette description de l’activité finaliste n’est pas sérieusement contestable. Même les antifinalistes doivent l’admettre, quitte à imaginer des micro-déterminismes sous-jacents, en profitant du fait que la finalité, descriptible, n’est pas strictement observable microscopiquement.

La description postule d’autre part des éléments non directement descriptibles, mais étroitement exigés pour la cohérence de la description et qui heurtent, cette fois directement, les postulats de la science objective et déterministe.

La conscience

Toute action finaliste postule l’existence de la conscience. Cette conscience peut être très vague, mais elle doit être présente au moins en quelques phases de l’action. La conscience du but, et surtout l’image du but manquent souvent. L’image du but demande un système nerveux perfectionné. Mais l’effort persistant, le besoin, la recherche d’information, le choix des moyens, tout cela est évidemment inconcevable sans conscience. L’inconscience relative de l’instinct est l’effet secondaire du morcellement de l’action. Mais ce morcellement ne peut aller jusqu’au pur «de proche en proche» causal, indiscernable du pur déterminisme, car alors on contredirait la description. Cette finalité sans enveloppe consciente serait un cercle carré. Pour les actions finalistes des organismes sans système nerveux, le postulat de conscience s’impose également et oblige à admettre une conscience primaire, mnémique, dépourvue de cerveau et même de système nerveux, non modulée par flux d’informations extérieures, mais inhérente à tout domaine organique manifestant un comportement thématisé. Dans l’embryogenèse, il y a quelques effets «de proche en proche» (inductions aberrantes, effets de mosaïque sans régulation), mais, normalement, les différenciations, globales et progressives à partir d’ébauches, ainsi que les comportements à régulation, dominent toute une région, toute une «aire présomptive».

Parler de conscience, ce n’est pas faire appel à une sorte de phosphorescence magique; c’est simplement exprimer le fait qu’il y a comportement domanial d’ensemble. Toute une région organique se comporte comme si elle se voyait elle-même, surmontant le «point par point» et l’«instant par instant» de l’espace et du temps dans leur définition abstraite. Cette existence-vision domaniale, d’une part, permet de choisir entre des moyens virtuels vus sur champ de possibles, d’autre part, autorise le thématisme enveloppant ces moyens. De la même façon que, dans un test en forme de matrice à compléter, les corrélats actuels, vus dans leur ensemble, évoquent la relation dominante, qui à son tour permet de compléter les corrélats.

La maîtrise de la durée

Toute action finaliste suppose le survol du temps aussi bien que de l’espace. Considérons d’abord le cas le plus complexe possible d’action finaliste, une action collective et conduite par des techniciens. Soit, par exemple, le débarquement sur la Lune. Les techniciens se portent, en pensée, vers le jour J, avec les moyens de réussite supposés réalisés. Par analyse, selon ce qu’impliquent les rapports entre la fin et les moyens, ils dégagent avec précision ces moyens, puis les moyens des moyens à mettre en œuvre. Cette analyse remonte idéalement le temps jusqu’au moment actuel, où la première chose à faire, c’est, par exemple, d’obtenir des crédits. Ensuite, tout se déroule dans le temps réel, à l’envers de l’analyse des implications, et conformément au plan, sauf incident et accident. Le même laps de temps est ainsi parcouru trois fois, deux fois idéalement (dont une fois à l’envers) et une fois réellement. Toute planification technique suppose le même survol du temps, qui permet de le parcourir idéalement, avant de le suivre dans son déroulement réel. Les recherches opérationnelles, les stratégies à information parfaite ou imparfaite, à coalition ou non, l’analyse du «chemin critique» à partir de graphes schématiques, la «praxéologie» étalent le temps et le rendent idéalement réversible.

Dans les cas plus élémentaires, l’agent est évidemment incapable de schématiser, de planifier ainsi. On sait que même les animaux supérieurs, faute d’un instrument symbolique, ont beaucoup de peine à maîtriser un labyrinthe temporel et n’ont pas l’équivalent, fût-il lointain, d’un calendrier. Mais une certaine ordonnance, en survol, du temps, permettant une analyse d’implications et une transparence du besoin (need ) dans le besoin (drive ) n’en est pas moins la condition sine qua non de toute finalité. L’animal en déplacement fait un trajet entre A et B, trajet qu’il choisit globalement: il ne suit pas une simple trajectoire , résultat à chaque instant d’équilibres de potentiels, comme un corps dans un champ gravitationnel ou électrique. Les trajectoires extrémales (selon les principes de moindre action) ne font que mimer la finalité, qui est optimale et non extrémale.

La création de formes

Toute action finaliste est épigénétique, c’est-à-dire créatrice de formes. Le travail d’«implication», dans le temps et l’espace, est lié à ce caractère épigénétique de la finalité. Une œuvre finaliste en cours va se différenciant de plus en plus, au sens propre du mot. Il y apparaît (épi-genèse) des différences, dans l’ébauche, d’abord simple et homogène, qui ne se borne donc pas à fonctionner selon des différences préexistantes. Un moteur perfectionné ou un organisme adulte renferment une multitude d’organes qui sont des implications matérialisées – par contraste avec le modèle primitif encore schématique, ou avec l’organisme encore à l’état d’ébauche embryonnaire –; de même, les comportements politiques, sociaux, religieux, dans les diverses cultures, connaissent ce mode de différenciation progressive par implication, malgré quelques simplifications secondaires. En d’autres termes, l’action finaliste est créatrice d’information, de négentropie, même si elle accroît globalement l’entropie par ses machines auxilaires. Elle est capable de remonter localement le courant de désordre (cf. théorie de l’INFORMATION). Plus exactement, elle crée de l’organisation, non simplement de l’ordre. Elle se sert de l’ordre (par exemple, une segmentation, une symétrie gauche-droite, etc.) comme d’une étape vers une organisation différenciée.

Nécessité d’un sélecteur

L’action finaliste suppose une dualité fondamentale chez l’agent, dualité d’un «matériel fortuit» et d’un «sélecteur», d’un hasard et d’un anti-hasard, de l’agent dans l’espace et le temps (comme multiplicité et zone de rencontres fortuites) et de l’agent comme possesseur de thèmes de sélection signifiante hors du domaine d’espace-temps survolé.

Dans l’exemple classique du singe dactylographe, s’il y a, derrière le singe, un homme capable de choisir les bonnes lettres, le hasard des frappes, plus le choix, produit assez rapidement des phrases sensées. Si une machine est montée en séquences présélectionnées selon les fréquences statistiques du français, elle peut produire du pseudo-français en pastiche approximatif, avec et même sans postsélection.

Supposons maintenant un romancier composant directement à la machine comme Georges Simenon. Il n’y a pas de dualité visible comme entre le singe dactylographe et l’homme qui choisit; il y a cependant dualité entre les idées surabondantes produites par le quasi-fonctionnement cérébral des associations d’idées, et le jugement sélectif du goût ou de l’intention du romancier. Tout écrivain est pareil à Victor Hugo, écrivant «sous la dictée» des tables tournantes de Guernesey, véhicules, en fait, du matériel subconscient. L’esthétique dadaïste de l’écriture automatique supprime, apparemment, la sélection; de même, une machine à composer de la musique ou des poèmes. Mais la sélection est préalable, dans le montage des séquences et des règles de composition.

Considérons enfin l’homme lui-même, comme organisme vivant spécifique. Il est, selon les théories biologiques admises, le résultat d’innombrables mutations. Où est le sélecteur? Selon le néo-darwinisme (auquel von Neumann a même donné une forme mathématique), la sélection est naturelle, opérée par le milieu, par les conditions d’existence, par la résistance des autres espèces agissant comme un moule creux. D’où vient la consistance du moule? Si l’on admet que les combinaisons ne sont pas vraiment fortuites et que les pré-organismes primitifs se constituent d’abord, non selon le hasard pur comme le croyait Lecomte du Noüy, hasard pur corrigé par la Providence, mais selon des possibilités chimiques consistantes (composés méthane-ammoniacacides aminésribose, adénine, etc.), il faut admettre une phase de sélection naturelle chimique, pré-organique. Dans tous les cas, le hasard pur ne peut monter ses propres capteurs. L’information ne peut sortir du bruit. Si l’on pense pouvoir se passer de capteur, c’est que le hasard n’est pas pur, que les formes primitives sont ordonnées, ou s’ordonnent d’elles-mêmes, comme dans une machine à composer montée selon des règles de vocabulaire et de syntaxe, comme dans le comportement «domanial» des molécules.

4. Les théories réductrices de la finalité

Ces théories reviennent toutes à méconnaître tel ou tel caractère manifeste de la réalité.

Le triage machinal

C’est une «sélection sans sélecteur». La sélection naturelle darwinienne, à la différence du triage démocritéen, peut être explicative, dans tel cas précis et quand on peut identifier un sélecteur «conscient» (par exemple, les insectes pour l’évolution des plantes entomophiles). Les insectes, dans cet exemple, jouent le rôle de l’homme choisissant dans la production semi-fortuite d’un animal, d’une machine ou de son propre subconscient. Mais, invoquée en général, elle n’est qu’une pseudo-explication. On a utilisé le darwinisme pour être «cause-finalier» avec bonne conscience. Tel appareil organique est utile? Il s’explique donc par la sélection naturelle. L’invocation n’est ni plus difficile, ni plus éclairante que celle de la Providence divine.

La causalité du besoin

C’est le fond des explications lamarckiennes. L’explication est réductrice si le besoin est considéré comme une force, une poussée, déterminant un fonctionnement qui, à son tour, détermine une croissance mécanique. Si, au contraire, le besoin est pris dans le sens de besoin ressenti, «parlant», appelant un satisfacteur pressenti (comme la soif appelle l’eau), l’explication est valable, mais elle n’est plus réductrice.

La causalité de l’image

Elle permettrait d’éliminer le caractère le plus choquant de la finalité: le survol du temps. Quand je prends le train pour Paris, mon action ne serait pas vraiment intentionnelle. L’image actuelle («être à Paris») fonctionnerait, dans mon système nerveux, comme une pure cause. De même, un plan d’opération, militaire ou technique. Cette thèse déforme la réalité: l’image, le plan, n’agit pas en bloc, à un moment précis dans une séquence de causes a tergo . Il est consulté et, s’il le faut, retouché dans le cours de toute l’action. Il est maintenu par l’agent, qui l’utilise concurremment avec des informations survenantes. En outre, la théorie ne rend pas compte de la finalité-harmonie. Dans la composition d’une œuvre, l’artiste va d’un thème-ébauche à une image.

L’effet de Gestalt

Soit un nouveau-né, s’efforçant de sucer son pouce. Selon le mécanisme pur, un fonctionnement nerveux, en des circuits tout préparés, conduirait le pouce vers la bouche. Ce mécanisme pur suppose une finalité dans l’agencement des conducteurs nerveux. Mais, remarque Koffka, les choses se passent tout autrement: l’enfant s’arrange pour trouver son pouce aussi bien en tournant la tête qu’en bougeant son bras ou sa main. Une forme globale de l’action s’improvise donc dans l’ensemble de la zone cérébrale motrice, comme un champ électrique se répartit dans un condensateur jusqu’à un état de moindre tension. Une finalité n’a donc pas à être postulée dans un agencement préalable des conducteurs nerveux. Une Gestalt dynamique englobe mécanisme et finalité, fait et valeur, moyen et but. Un comportement «gestaltisé» est à la fois fonctionnement et «tension vers...»

Cette thèse paraît juste dans les cas où le dynamisme, comme dans l’exemple de Koffka, est signifiant et «conscient». Elle est fausse si elle prétend réduire l’action finalisée à un dynamisme physique extrémal. Elle est insuffisante devant les manifestations épigénétiques de l’action finaliste. Il est impossible de réduire, à partir d’un modèle schématique de moteur ou d’une ébauche nerveuse en gouttière, la formation d’un moteur perfectionné et d’un système nerveux adulte à l’équilibre dynamique d’une «bonne forme», extrémale, bien arrondie.

La cybernétique mécaniste

C’est la réduction la plus en faveur. Un appareil à feedback, où la causalité est bouclée par des circuits de retour, permet à l’effet de contrôler sa propre cause et de la réguler par information dérivée, selon une norme matérialisée par un index manœuvrable. L’appareil devient ainsi «intelligent», et tout se passe comme dans l’action finaliste: il persiste, il tâtonne vers le but assigné; il choisit des moyens variés vers ce but (si la commande par effet de retour peut sélectionner un circuit parmi d’autres, comme dans l’homéostat d’Ashby); il est guidé par information. Des systèmes plus complexes peuvent mimer l’apprentissage (Machina labyrinthea), ou même l’expérience mentale, sur des simulateurs adjoints. L’appareil s’arrête si l’effet satisfaisant est obtenu. Un tel appareil est si bien finalisé qu’il permet de se passer de la conscience humaine.

Il y a effectivement beaucoup de régulations automatiques dans l’organisme. Mais, comme théorie réductrice, la cybernétique méconnaît le caractère toujours vicariant et «encadré» des régulations par bouclage. Elle n’est qu’une forme particulière de l’explication gestaltiste dont elle a tous les défauts. De plus, en mettant le dynamisme dans les circuits d’un appareil mécanique ou organique au lieu de le considérer dans un champ sans rails, elle renonce à expliquer la formation même de l’appareil «au fonctionnement intelligent», formation qui est pourtant l’œuvre essentielle de la finalité organique. L’embryogenèse et l’évolution spécifique se sont révélées rebelles aux explications cybernétiques – sauf si l’on réintroduit subrepticement des éléments psychofinalistes authentiques. Les régulations organiques réparent, régénèrent les structures mêmes des régulateurs mécaniques auxiliaires (comme des hommes conscients doivent entretenir et réparer une usine à automation). S’il y a une cybernétique organique, elle est d’un autre ordre que la cybernétique mécaniste; elle joue entre l’espace-temps et les thèmes transpatiaux; elle ne se réduit pas à la machinerie observable.

5. La finalité dans le monde physique

Si l’on s’est donné tant de peine pour nier l’évidence de la finalité psychobiologique, c’est que, jusqu’aux dernières décennies, la physique paraissait reléguer la finalité dans l’archéologie de l’esprit. Il n’en est plus de même depuis l’avènement de la microphysique. Elle a d’abord fait prendre conscience (aux savants sinon aux philosophes) que la mécanique et la physique classiques avaient considéré à tort comme la réalité ce qui n’était qu’une apparence statistique secon-daire et que le déterminisme n’est valable que macroscopiquement. Elle a montré que les microsystèmes de particules et d’atomes, sans présenter l’équivalent des traits finalistes relevés dans l’étude des moments d’une action, offrent l’équivalent des traits plus fondamentaux abordés ensuite.

Les systèmes de particules ont un comportement «domanial»: leurs propriétés d’ensemble sont plus importantes que celles des particules comme entités isolées: les interactions de compatibilité ou d’interdiction, les spins conjugués, les liaisons délocalisées, les symétries en miroirs C, P, T, de particules à antiparticules, sans permettre, évidemment, de parler de conscience, de liberté, de finalité intentionnelle, autorisent à parler d’harmonie par «auto-survol».

Plus spécialement, les symétries en miroir peuvent être temporelle. Dans les schémas de Feynman, l’électron positif, antiparticule de l’électron ordinaire, peut être considéré comme un électron remontant le temps; l’arrivée d’une particule est équivalente à l’émission de son antiparticule. Les réactions entre les particules sont données en bloc dans un espace-temps où passé et futur sont symétriques. Elles deviennent des nœuds topologiques que l’on peut prendre par n’importe quel bout, sélectif ou dispersif, sans violenter la réalité. Amorce de survol du temps caractéristique de la finalité.

Le caractère épigénétique y est également apparent. L’ordre et l’organisation s’affirment contrairement aux lois statistiques thermodynamiques de l’entropie croissante. Au voisinage du zéro absolu, l’entropie (le désordre) tombe à une valeur nulle. La supraconductivité, la superfluidité de l’hélium liquide manifestent en grand un ordre, non dans l’espace des positions comme dans les cristaux, mais dans «l’espace des vitesses» ou «l’espace des comportements». On fait ainsi mieux qu’entrevoir comment les grosses molécules, puis les molécules virales, à mi-chemin entre la chimie et la biologie, peuvent garder et perfectionner un ordre contre le désordre statistique, non seulement dans leur structure, mais dans leurs actions.

La dualité apparaît aussi en ce que les descriptions de particules, dans l’espace et dans le temps classiques, sont superficielles relativement aux groupes qui sélectionnent ou autorisent les particules possibles. De même que le tableau de Mendeleïev peut être considéré comme un sélecteur des atomes possibles, de même les tableaux de particules, en octets, eux-mêmes à base de figures élémentaires (les quarks), bien qu’ils n’aient été trouvés jusqu’à présent que par manipulation de symboles, sont probablement actifs dans un sous-espace à la manière de thèmes sélecteurs.

Quant au cosmos dans son ensemble, bien qu’il ne semble présenter aucun des caractères organiques et finalistes que les Anciens y voyaient, il peut se révéler comme plus microphysique que macrophysique, malgré l’étymologie des mots – et comme une sorte de particule, ou de sous-particule géante, justiciable par conséquent des lois et compatibilités microphysiques. On peut soutenir, à la manière de Henderson et de Harold Blum, qu’il est une sorte de condition préalable aux individus et lignes d’individualités finalistes qu’il renferme. Il est tel qu’il permet les adaptations par une sorte d’adaptabilité primordiale. En tout cas, il est le support, à la fois des foules d’individus, foules dépourvues comme telles de toute finalité et soumises aux lois du déterminisme statistique, et des individualités elles-mêmes dans leur organisation finaliste.

finalité [ finalite ] n. f.
• 1819; de final (2o)
1Caractère de ce qui tend à un but; le fait de tendre à ce but, par l'adaptation de moyens à des fins. Finalité obscure d'actes passionnels. Expression de la finalité dans le langage. Principe de finalité. téléologie.
Adaptation des parties au tout (principe de la beauté, dans certaines théories esthétiques). harmonie.
2Biol. Adaptation des êtres vivants, des organes à une fin. La finalité conçue comme « principe interne de direction » et « élan vital », chez Bergson.

finalité nom féminin (de final 1) Existence ou nature d'une cause finale. Caractère de ce qui tend à un but, à une fin ; ce but lui-même : Finalité d'une politique.finalité (citations) nom féminin (de final 1) Louis Massignon Nogent-sur-Marne 1883-Paris 1962 Notre finalité est plus que notre origine. In Dieu vivant n° 4

finalité
n. f. Caractère de ce qui tend à une fin, vers un but.

⇒FINALITÉ, subst. fém.
A.— PHILOS. Fait, pour un être ou une chose, d'avoir un but assigné soit par la nature, soit par une volonté supérieure. Le monde marche à l'aventure, il n'a pas de finalité. Dieu est donc inutile, puisqu'il ne veut rien (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 89) :
Nous aurons encore moins la témérité de rechercher quelle est la fin suprême de la création; la finalité que nous ne pouvons méconnaître dans les œuvres de la nature est une finalité, pour ainsi dire, immédiate et spéciale, une chaîne dont on ne peut suivre que des fragments dispersés.
COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 98.
SYNT. Finalité externe, interne, immanente, intentionnelle, transcendantale; argument, notion, principe de finalité.
BIOL. Adaptation des êtres vivants à leurs fins naturelles et spécialement adaptation progressive d'un organe à la fonction qu'il est destiné à remplir. C'est dans l'instinct que la finalité éclate surtout comme loi de la nature (RENOUVIER, Essais crit. gén., 1864, p. XXII). Cette analogie de la finalité organique avec l'activité intentionnelle de l'homme, en même temps qu'elle attire la biologie du côté de l'anthropomorphisme, entraîne la conscience dans le vertige de l'objectivité (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 392).
ESTHÉTIQUE Adaptation harmonieuse des parties à un tout. V. connexion ex. 2.
B.— P. ext. Ce qui constitue le but de quelque chose, conformément à une loi naturelle ou à une intention humaine. Les finalités de l'action. La famille est la raison d'être et la finalité de l'amour (MÉNARD, Rêv. païen mystique, 1876, p. 114). Cet événement unique aura autant de faces, de finalités, d'« âmes » différentes que d'individus affectés (TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 180). Le don à la clientèle a pour finalité sociale avouée d'augmenter le profit de la firme (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 373).
Prononc. et Orth. :[finalite]. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1819 (É. GOSSE, Proverbes dramatiques, Ladvocat, t. 1, p. 274). Dér. de final « qui tend vers »; suff. -ité; cf. b. lat. finalitas « désinence, terminaison », médiév. « limitation » (ca 1344 ds LATHAM). Fréq. abs. littér. :357. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) Néant, b) 412; XXe s. : a) 558, b) 961.

finalité [finalite] n. f.
ÉTYM. 1819; de final, au sens 2.
1 Caractère de ce qui tend à un but; le fait de tendre à ce but, par adaptation de moyens à des fins. || Finalité consciente dans la vie morale. || Finalité obscure d'actes passionnels ou instinctifs. || Croyance à la finalité dans l'histoire. || Principe de finalité. Téléologie. || Expression de la finalité dans le langage.
1 Le rapport de conséquence et le rapport de finalité sont très voisins. Cependant ils sont impossibles à confondre. Comparez : Sa mère l'a élevée de telle sorte qu'elle puisse vivre avec peu, et : sa mère l'a bien élevée, de sorte qu'elle peut vivre avec peu. Dans le premier cas, la phrase exprime la fin, le but que se proposait la mère pour l'avenir de sa fille. Dans le second, au contraire, il s'agit d'un fait qui résulte d'un autre plus général, qui n'était pas destiné spécialement à produire le second.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 843.
2 L'Europe (et le monde blanc) ont oublié leur finalité spirituelle : le désordre politique naît de cette trahison.
Daniel-Rops, Ce qui meurt…, p. 108.
2.1 L'on pourrait se demander si, pour Marx, pour le matérialisme marxiste, Dieu était véritablement mort, puisque Marx admet sans preuves suffisantes une finalité du devenir, une rationalité de l'action et du travail, un sens de la vie et de la totalité.
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 218.
2 Didact. Adaptation des parties au tout (principe de la beauté dans certaines théories esthétiques). Harmonie. || Perception d'une finalité, accompagnant le sentiment du beau. || « La beauté est la forme de la finalité d'un objet en tant qu'elle y est perçue sans représentation de fin » (Kant).
3 (1855, Nysten). Adaptation des êtres vivants, des organes à quelque fin ou quelque plan déterminant. || Finalité immanente, par ex. dans l'adaptation spontanée de l'être à son milieu. || Finalité transcendante, par ex. dans la sélection artificielle et l'élevage. || Biologistes accordant à la notion de finalité une importance dans l'explication scientifique. Vitaliste (néo-). || Finalité conçue comme « principe interne de direction » et « élan vital » chez Bergson.
3 (Selon M. Goblot) il y a une autre finalité que la finalité intentionnelle, il y a une finalité sans intelligence. Cette finalité (…) c'est « la causalité de besoin » : il y a finalité quand « le besoin d'un avantage détermine une série d'effets tendant à réaliser cet avantage ». C'est cette finalité que traduit l'idée de fonction.
Cuvillier, Manuel de philosophie, t. II, p. 592.
4 L'existence de la finalité dans l'organisme est indéniable. Chaque élément paraît connaître les besoins actuels et futurs de l'ensemble, et se modifie d'après eux.
Alexis Carrel, l'Homme, cet inconnu, p. 236.
DÉR. Finalitaire.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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